Chapais (Originalversion Française)

Un Manuscrit Méconnu: Le Manuscrit de Chapais

von

Dr. med. Jean Mennerat

Paris

« I used to play chess a great deal, studied chess theory assiduously: I became obsessed with the endgame,…The endgame, to a complete amateur like myself, is the highest form of chess. The board is clear of all the useless lumber of the game’s earlier stages; there is a marvellous lucidity and harmony in the play; above all, the risks are at their greatest – the smallest slip precipitates total ruin, with the enemy’s passed pawns sweeping unstoppably on. …What can the State know of the beauty of the chess-pieces arranged on the board, the invisible lines of possible play radiating in every direction, the perfect balance that the least breath will upset ? »

(Bernard Levin. Daily Mail December 1965. Article à l’occasion de l’ouverture du Congrès d’Hastings 1965).

 

C’est lorsque j’étais étudiant avant la guerre que je fis la connaissance de Chapais. J’avais trouvé chez un bouquiniste « Les Echecs Modernes » de Delaire. Le Tome I (1914) contient une bibliographie assez importante où je découvris à la page 91 « Chapais – Essais analytiques sur les Echecs – Paris 1780 .»

C’est en vain que je demandai cet ouvrage chez tous les libraires et bouquinistes du Quartier Latin : personne ne le connaissait.

La lumière se fit à la lecture du « Bilguer » 7ème édition (1891) que j’eus la chance de dénicher pour quelques francs un peu plus tard : dans la deuxième partie « Das Endspiel » il était question de Chapais, auteur d’un manuscrit vers 1780, manuscrit en possession de von der Lasa. Mais en même temps mon espoir de me le procurer s’évanouit ! Et ce n’est que récemment que je pus en trouver une copie.

Ce manuscrit n’a jamais été publié dans son intégralité, malgré l’intérêt des quelques fragments révélés par von der Lasa, son possesseur, qui semble pourtant l’avoir parcouru malgré la notation « diabolique » imaginée par Chapais.

Von der Lasa qui rédigeait le Handbuch depuis l’origine en 1843 mentionne Chapais pour la première fois dans la quatrième édition (1864) : Buch II, Abschnitt III, §2 : « König und Thurm gegen König, Thurm und Läufer », page 499 dans une variante de la position n° I (Philidor) note 2 : « In einem in unseren Besitzt sich befindenden französischen Manuscript von Chapais…» Mention est faite également de Chapais pages 500, 501, 502.

On le retrouve dans l’Abschnitt V § « Beide Springer gegen König und Bauer » avec les diagrammes III et IV pages 540-541. Et aussi Abschnitt VI §5: « Drei freie Bauern gegen den König auf einen und andern Seite » page 564: «Uebringens ist uns seitdem noch eine fernere Abhandlung über dieses Problem bekannt geworden, welche in einem vom Herausgeber 1855 erworbenen französischen sehr ausführlichen Folio-Manuscripte von M. Chapais, négociant à Paris (ohne Jahr, aber nach 1777 aufgesetzt) über die üblischen Endspiele, von S. 163-202 enthalten ist. » Et page 573 à propos de la position de Greco corrigée par Ercole del Rio : « Dieser Gewinn ist auch in dem vorerwähnten Manuscript von Chapais S.199 angezeigt, welches zugleich die übrigen Fehler des Calabresen rügt. »

Auparavant von der Lasa avait proposé un concours de solution sur une position de Chapais (Ra2, Ce3 et h3—Rh5, Ph4) au Congrès de la Westdeutschen Schachbundes – Düsseldorf – Septembre 1862, concours gagné par B. von Guretzky-Cornitz (Jahrbuch des Westdeutschen Schachbundes 1863 pages 18 à 27 et Deutsche Schachzeitung Oct-Nov 1863- pages 306 à 315). Il avait également écrit deux articles dans la Deutsche Schachzeitung 1862 Oct-Nov pages 290 à 293 : « Mat in 60 Zügen, von Chapais. » et Déc. pages 356 à 359 : « Das Endspiel der beiden Springer » avec la solution et les commentaires de Chapais.

Les citations concernant Chapais persistèrent, pratiquement inchangées, dans toutes les éditions du Handbuch jusqu’à la 8ème où J. Berger, auteur du Zweites Band « Das Endspiel » cite brièvement les trois positions Roi et 2 Cavaliers contre Roi et Pion de Chapais, en insistant sur les travaux de Troitzky, de Guretzky-Cornitz et en citant les solutions de Paul Jahn, H.F.L. Meyer et O.D. Henry.

Il est vraisemblable que von der Lasa a dû acheter le manuscrit à Paris. En 1855 il était en poste à Bruxelles (en tant que diplomate) et il s’est rendu pendant l’été à Paris où il a joué plusieurs parties avec Arnous de Rivière (Deutsche Schachzeitung 1855 pages 250 à 252).

Le manuscrit apparaît pour la première fois dans le catalogue autographié des bibliothèques de von der Lasa et R. Franz : « Kurzes Verzeichnis der Bibliotheken von v. d. Lasa und R. Franz in Berlin 1857 », Haag den 1sten September 1857 (8 pages, sur deux colonnes ) , catalogue établi par von der Lasa. Page 2 figure sous le n° 46b : « Chapais, fol M.S. sur les fins de partie, breit aber recht gut, ungefähr 1780 (v.d.Lasa) ». Ce catalogue a été établi seulement en trois exemplaires: « Es existiren (sic) nur ein Paar Exemplare dieses autographirten Verzeichniss. Eines befindet sich bei Herrn Franz, eine anderes bei Herrn Allend » (sic) (Mention de la main de von der Lasa à la fin du catalogue).

Il est curieux que von der Lasa n’ait jamais cité d’autres extraits du manuscrit de Chapais bien qu’ayant lui-même assuré la publication du Handbuch jusqu’à la 5ème édition de 1874 et n’étant décédé qu’en 1899 après la parution de la 7ème édition par Schallop. L’on peut s’étonner également qu’il n’ait jamais songé à le publier dans son entier. Il a pourtant été un auteur prolifique. La liste de ses travaux dans la Deutsches Wochenschach des 21 octobre 1898 et 14 octobre 1899 ne comporte pas moins de 110 titres (livres et articles), encore est-elle incomplète, les articles et lettres parus dans les revues étrangères (par exemple dès 1853 dans « The Chess Player’s Chronicle ») étant passés sous silence. A ma connaissance, il n’a jamais non plus publié d’article sur le manuscrit qu’il possédait. A-t-il été rebuté à la fois par la notation et par l’importance du travail à fournir : 523 pages d’une écriture fine et serrée à décortiquer ?

Ce qui fait que ce manuscrit n’a été connu pratiquement que par les trois positions Roi, deux Cavaliers contre Roi et Pion, positions auxquelles se réfèrent des auteurs en s’inspirant, semble-t-il, uniquement de ce qui figurait au Handbuch. On peut citer J. Berger, A. Troitzky, M. Lamare, A.O. Herbstmann, I.L. Rabinowitsch, J. Averbach, A. Chéron, M. Euwe et J.H. Donner, A.J. Roycroft, C. Bijl, et David V. Hooper, la plupart ne faisant que citer le nom de Chapais. Une seule exception : le Dr. Carlos R. Lafora dans son livre « Dos Caballos en combate » semble attacher au travail de Chapais l’importance qu’il mérite. En dehors des noms cités ci-dessus, tous les auteurs d’ouvrages sur les fins de partie ignorent superbement Chapais.

Cependant, Antonius van der Linde dans le 1er volume de sa monumentale « Geschichte und Literatur des Schachspiels » (1874) cite Chapais pages 414-415, en sept lignes qui montrent qu’il a eu le manuscrit entre les mains ou bien que von der Lasa lui en a fait un compte-rendu :

« Chapais // Essais analytiques // sur // Les Echecs, avec figures // par Mr Chapais, Négociant à Paris // Folio.2 Bll.(Table des fins de partie traitées dans ce volume) + (524) Seiten + 2 Bll (Rösselsprünge).

Handschrift in der Bibliothek des Herrn von der Lasa, geschrieben um 1780 (Philidor 1777 ist berücksichtigt), die nur Spielendungen enthält, aber sehr weitläufig angelegt und mit der erschrecklichen Numerirung des Brettes von 1 bis 64 geschrieben ist. Der Autor muss ein ganz vorzüglicher Kenner des Spielendungen gewesen sein. » (Van der Linde était en 1871 Directeur de la Landesbibliothek à Wiesbaden où von der Lasa habitait Bierstadter Strasse non loin du Kurpark. Au moins topographiquement, les deux plus éminents connaisseurs des Echecs de la fin du XIXème siècle étaient-ils assez voisins.)

A quelle époque Chapais a-t-il rédigé son manuscrit ?

Certainement après 1777, date de la 2ème édition de Philidor (une fin de partie est citée par Chapais, qui ne figure pas dans la 1ère édition de 1749). La morphologie des lettres, l’orthographe, la phraséologie et le style sont bien du dernier quart du 18ème siècle.

Pourquoi a-t-il été rédigé ?

Très certainement pour être imprimé. Le soin minutieux avec lequel le manuscrit a été « calligraphié », ce qui est dit dans l’Avertissement : « Quelques amis en différents tems lui ayant demandé (à l’auteur) les Résultats de plusieurs fins de partie… » donnent à penser que l’auteur l’avait préparé pour l’imprimerie. L’on n’a vraiment pas l’impression qu’il s’agit d’un recueil à usage personnel.

Pourquoi n’a-t-il pas été imprimé ?

Il n’est pas déraisonnable de penser que la Révolution de 1789 a pu empêcher l’auteur de réaliser son projet, soit en raison des troubles provoqués par la tourmente révolutionnaire, soit que l’auteur ait disparu, enfui ou tombé dans les bras de dame Guillotine.

Qui était Chapais ?

Je l’ignore. Jusqu’à présent, je n’ai pu retrouver sa trace à Paris. (aux Archives Nationales il est pratiquement impossible de retrouver quelqu’un dont on ne connait ni le lieu de naissance, ni les dates de naissance et de décès). C’était un négociant, très certainement homme instruit et cultivé. Son style, l’aisance de ses propos, l’usage du latin et des lettres grecques en témoignent.

Le travail de Chapais est un manuscrit de format 29×20 cm, rédigé avec un soin extrême, d’une écriture fine et régulière remplissant chaque page d’environ 33 lignes. Il comporte une page de titre, III pages pour l’Avertissement et la table des matières, 523 pages de texte dense et 29 tableaux avec 69 figures, mais sans aucun diagramme pour les positions étudiées qui sont données dans la notation imaginée par Chapais.

Comme déjà mentionné, le manuscrit comporte 524 pages numérotées de la main de l’auteur ; s’y ajoutent avant le début du texte trois pages non numérotées pour le titre et la table des matières. En outre, avant le titre et après la dernière page se trouve une feuille blanche. Les pages contenant 29 tableaux avec 69 figures ne sont pas numérotées. Excepté le premier cahier, tous les cahiers du manuscrit sont marqués au coin inférieur droit de la première moitié des feuilles par les lettres initiales de B jusqu’à Bbbii. Le papier est un papier à la cuve, fin, nervuré, marqué sur la moitié gauche du filigrane : FIN//A. GRILAND//POITOU//1772 tandis que sur la moitié droite figure le filigrane ci-dessous :

Le format est de 30×20 cm. Cependant le texte presque sans exception n’occupe qu’un espace de 24×15,5 cm. Le manuscrit, y compris la reliure, est épais d’environ 4,9 cm tandis que sans la couverture il mesure environ 3,5 cm. La reliure est en carton épais revêtu d’un fort cuir chamoisé brun-rouge. Le dos divisé en six parties présente une décoration en estampage doré sur le premier et les troisième à sixième compartiments. Sur le deuxième compartiment figure le titre en superbe impression dorée : ESSAIS//SUR LES//ECHECS.

Les plats intérieurs de la reliure sont revêtus de papier de garde marbré rouge-bleu-jaune-vert-blanc. Il y a également une feuille de protection du même papier coloré collé sur la page blanche adjacente.

Sur la face interne du premier carton de la reliure se trouve au coin supérieur gauche l’Exlibris avec les armoiries de la famille Heydebrand und der Lasa. Cet Exlibris porte à gauche, en haut, la cote N° 500/(584)MS ainsi qu’à gauche, en bas, le nombre 1889. Immédiatement au-dessous se trouve l’autographe : v. Lasa. Le blason se retrouve au milieu de la première feuille blanche de protection ainsi que dans le coin droit inférieur de la page de titre. Quelques notes manuscrites à l’encre bleue ou au crayon proviennent toutes de von der Lasa.

Le manuscrit est dans son entier écrit de la même main et présente d’agréables caractères réguliers, fins et presque beaux, ce qui se voit rarement. Cet ouvrage intitulé « Essais analytiques sur les Echecs, avec figures, par Mr Chapais, négociant à Paris » est en réalité un traité de fins de partie. L’auteur l’indique sans aucune prétention dans son avertissement : « L’auteur de ces essais n’a jamais eu le dessein de donner un Traité du jeu des Echecs : quelques amis en différents tems lui ayant demandé les Résultats de plusieurs fins de partie susceptibles de difficultés, il s’est contenté de répondre à leurs questions, sans prétendre absolument tout approfondir. »

En fait Chapais étudie les fins de partie suivantes :

Rois et Pions

Roi et Pion contre Roi et Dame

Roi et Tour contre Roi et Cavalier

Fou contre Cavalier

Roi, Fou et Pion contre Roi

Roi, Fou et Pion contre Roi et Pion

Roi, Fou et Pion contre Roi et deux Pions

Roi et Fou contre Roi et 2 ou 3 Pions

Cavalier contre un, deux ou plusieurs Pions

Roi, Pion et Cavalier contre Roi

Mat Tour et Fou contre Tour

Mat par Fou et Cavalier

Mat des deux Fous

Mat Roi et deux Cavaliers contre Roi et un ou plusieurs Pions

Roi et Dame contre Roi et Tour

Le manuscrit commence par des « Notions préliminaires » (pages 1 à 6) exposant la notation imaginée par l’auteur et qui « offre un moyen aussi simple que laconique et nullement équivoque pour indiquer et la position et le jeu des pièces. »

Malheureusement, cette notation numérotant les cases de 1 à 64 en partant de a1 pour finir à a8 « de sorte que tout nombre pair tombe constamment sur une case blanche, et tout impair sur une case noire » rend la lecture de ce travail éprouvante pour tout joueur habitué aux notations descriptive et algébrique couramment utilisées depuis deux siècles. Elle est probablement à l’origine de la méconnaissance de ce manuscrit, von der Lasa qui semble pourtant l’avoir parcouru dans son entier, n’en ayant lu apparemment que certains passages et ne l’ayant jamais publié. La lecture en est rendue ardue également par un texte touffu (et même parfois étouffant) rédigé avec le vocabulaire et la phraséologie de l’époque. Von der Lasa qui avait en tant que diplomate une connaissance parfaite du français a pu être rebuté par la transcription de ce texte en langage moderne.

Les pages 7 à 11 sont consacrées à la marche du Roi sur l’échiquier libre, les pages 13 à 18 à la marche du Cavalier.

Chapais continue en traitant l’opposition des Rois d’une façon originale, relativement à la marche combinée des deux Rois (pages 19 à 26), donnant des exemples pages 27 à 50 avec 16 positions.

Le chapitre suivant « Le Roi et un Pion contre le Roi seul » envisage les deux cas différents du pion situé sur les colonnes extrêmes ou sur les colonnes intermédiaires (10 positions pages 51 à 61).

Suivent des « Observations générales sur les Pions doublés » (pages 61 à 64) distinguant là encore le cas des pions sur les colonnes intermédiaires aboutissant au gain ou à la nullité de celui des pions sur les colonnes extrêmes aboutissant à la nullité (4 positions).

Vient ensuite « Le Roi et deux Pions contre le Roi seul » concluant au gain de deux Pions sauf dans certains cas de pions désunis sur différentes traverses, et mettant en garde contre les possibilités de pat (4 positions).

Puis Chapais envisage « Le Roi et un Pion de part et d’autre » (12 positions) traitant successivement des pions sur la même colonne, des pions non passés pour terminer sur les pions passés, l’un des deux allant à Dame, positions qu’il rapporte à la finale « Le Roi et un Pion contre le Roi et la Dame » (pages 74 à 89). Il conclut par neuf positions caractéristiques.

Dans les pages 91 à 127 l’auteur étudie la fin de partie « Le Roi et deux Pions contre le Roi et un Pion » sous trois rubriques différentes (16 positions) :

deux pions liés dont un passé ;

deux pions dispersés dont un passé ;

deux pions dispersés non passés.

Puis les pages 129 à 161 traitent « Le Roi et deux Pions de part et d’autre »: (20 positions)

pions liés contre pions dispersés ;

pions dispersés contre pions dispersés soutenus par leurs Rois on non ;

pions dispersés ou liés s’arrêtant mutuellement.

Chapuis poursuit l’étude des finales de pions par « Le Roi et trois Pions de part et d’autre » (pages 163 à 197), 25 positions divisées en trois « modes » :

pions forçant Dame d’eux-mêmes (pions passés) ;

pions arrêtés par le Roi adverse ;

positions aboutissant à la nullité par répétition de coups (des Rois) et positions aboutissant au pat.

Ce chapitre de termine par les « Erreurs du Calabrais » (pages 198 à 203). Chapais critique ici la position de Greco Livre II Chapitre L intitulée « Moyen le plus sûr de faire marcher ses pions et de bien conduire son Roi à la fin du jeu » en corrigeant la solution donnée par Ercole del Rio en 1750 et indiquant que 5…h4 gagne. La solution de Chapais est indiquée par von der Lasa dans les éditions successives du « Bilguer » depuis 1864.

Les pages 205 à 214 intitulées « De l’action des Pièces opposées l’une à l’autre, particulièrement contre le Cavalier » sont consacrées à la lutte d’une pièce contre l’autre et particulièrement à la lutte des différentes pièces contre le Cavalier, l’auteur estimant que jusque-là on a trop présumé de la force du Cavalier. Il insiste sur la lutte de Tour contre Cavalier et Fou contre Cavalier. Cette étude est suivie des « Formules pour forcer le Mat sous diverses positions du Roi et une Tour contre Roi et le Cavalier » (pages 215 à 230. 5 positions)

Chapais donne ensuite des « Formules pour la partie du Fou contre un Cavalier » (pages 230 à 248), envisageant les fins de partie Roi, Fou et un ou deux Pions blancs contre Roi et Cavalier noirs aboutissant au gain ou à la nullité (13 positions).

L’on passe ensuite (pages 249 à 277) à « Le Roi, un Fou et un Pion contre le Roi seul, le Roi et un Pion, le Roi et deux Pions » où Chapais présente brièvement trois positions comme introduction à son étude de Roi, Fou et Pion contre Roi et deux Pions qu’il divise en quatre sections avec au total 16 positions.

Dans le chapitre suivant (pages 279 à 330) « Le Roi et un Fou contre le Roi et deux ou trois Pions », il distingue trois cas:

Fou luttant seul contre les Pions sans le concours des Rois (7 positions) ;

les deux Rois s’efforçant, le Noir à défendre ses Pions, le Blanc à empêcher la progression de ceux-ci (8 positions) ;

le Roi et un Fou contre le Roi et trois Pions, les Rois participant à la lutte (13 positions).

Suivent la lutte du Cavalier contre un ou plusieurs Pions et celle du Cavalier et Pion contre Roi seul avec 25 positions de mat ou de nullité (pages 331 à 353).

Chapais aborde ensuite le « Mat de la Tour et du Fou contre la Tour » (pages 355 à 392) et donne 22 positions de gain, la première étant celle de Philidor (édition de 1749 page 162), la dernière celle de la deuxième édition (1777 page 234), ce qui permet de situer le manuscrit comme postérieur à cette date. En outre, 10 positions sont données comme indécises. Von der Lasa évoque les analyses de Chapais dans le Handbuch (Zweites Buch – Spielendungen – Dritter Abschnitt, Absatz 3).

« Le Mat du Fou et du Cavalier » est analysé pages 393 à 403 en citant deux positions en 32 et 11 coups. Curieusement la solution en 32 coups part d’une position angulaire des quatre pièces identique à celle donnée par Oswald Langier dans un article de « L’Echiquier Français » du 5 février 1907 (pages 16 à 20), position reproduite par Ed. Lasker dans « Schachstrategie » 1911 (page 17). Puis Chapais donne la fin de partie à condition dite « Le Mat Chinois », le mat devant se faire avec le Fou sur une case angulaire de sa couleur fixée à l’avance.

Il donne ensuite deux positions du Mat des deux Fous.

Le chapitre suivant est consacré à la fin de partie pour laquelle Chapais est connu : « Le Mat du Roi et deux Cavaliers contre le Roi et un ou plusieurs Pions » (pages 413 à 455). Après avoir démontré l’impossibilité du mat par les deux Cavaliers contre le Roi seul, il étudie le mat lorsque le Roi est accompagné d’un Pion. Il considère deux cas :

Pion primitivement et constamment libre dans sa marche à Dame ;

Pion primitivement ou secondairement masqué et retenu par l’un des deux Cavaliers.

Cette finale est illustrée par plus de 20 positions de mat de différentes longueurs ou de nullité et non pas seulement par les trois positions qu’a fait connaître von der Lasa (D.S. 1863 p. 309 et Handbuch 1864 pages 540-541).

« Le Roi et la Dame contre le Roi et une Tour », fin de partie considérée comme généralement gagnée par les Blancs selon Chapais, les Noirs avec le trait parvenant à provoquer l’échec perpétuel ou le pat, est représentée par 12 positions dont 10 de gain (pages 457 à 475). Chose extraordinaire, la 9ème position est absolument identique à celle, issue d’une partie réellement jouée, figurant à la page III de l’introduction du livre d’Alfred Crosskill « Analysis of the Chess Ending King and Queen against King and Rook » 1895.

Là se termine à vrai dire le traité des fins de partie.

Chapais donne ensuite une « Position singulière et de fantaisie, partie favorite du Maréchal de Saxe » (pages 477 à 484). Il s’agit de deux versions symétriques du fameux problème du Maréchal de Saxe (problème de « pion coiffé »), les pièces blanches étant disposées à volonté, Chapais les fixant, pour l’exemple, à leurs cases de départ. A ma connaissance, c’est la première trace écrite de ce problème apparu imprimé dans « Les Stratagèmes des Echecs » de Montigny, Paris An X (1802) n° 101, page 103 avec une disposition différente des pièces et une solution en 14 coups, Chapais donnant dans sa version une solution en 39 coups.

Je n’ai pu trouver jusqu’à présent une trace imprimée de ce problème avant 1802. Il est reproduit dans le « Traité » de Mouret (Paris 1836) ainsi que dans « Le Palamède » 1837 page 42, accompagné d’une autre version attribuée également au Maréchal. Celui-ci (né à Götzlar (Saxe) en 1696, mort au château de Chambord en 1750) avait pour loisirs favoris les femmes, la chasse, la musique, le théâtre… et les échecs.

Enfin le manuscrit se termine par un travail de Chapais sur le problème du Cavalier (pages 485 à 496) suivi de dix pages de tableaux où figurent toutes les solutions envisagées par l’auteur. Il y ajoute la « Manière de résoudre le Problème précédent tirée de la Réponse de Sr. Coliny (sic) insérée dans le journal Encyclopédique des Mois de Septembre et Octobre 1772 ».

Ainsi se termine ce qui est seulement un survol de cet ouvrage curieux. Il mériterait d’être mieux connu ne serait-ce que d’un point de vue historique. Son examen approfondi pourrait réserver des surprises. Von der Lasa, en effet, semblait avoir une certaine estime pour les capacités analytiques de l’auteur d’après ce qui semble transparaître de ses commentaires.

Mais avant de pouvoir se former une opinion sur l’importance réelle de Chapais dans la théorie des fins de partie, il est indispensable de procéder à une véritable « traduction » de son texte en langage contemporain aussi bien usuel qu’échiquéen.

C’est là un travail de Bénédictin.

Dr. med. Jean Mennerat

Paris  Coulans

Octobre 1990  –  Février 1992

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